Mohamed Albensir (dit Damsiri) est l’un des plus grands rways contemporains.
Ce fils de boucher est né en 1937 à Tamsoult, dans le territoire des Ilbensiren (Haut-Atlas occidental). Il a le parcours classique de tout jeune Amazigh du Sud du Maroc (école coranique, randonnées pastorales derrière le cheptel familial) mais il est happé très jeune par le monde de la poésie et de la musique. Il fait preuve dans les cérémonies d’ahwach d’un don poétique exceptionnel. Il tient ainsi tête dans les asays (place villageoise où s’exécute l’ahwach) aux plus grands poètes de sa région. Fort de cette expérience, il rejoint en 1958 les troupes des chanteurs Amentag et Ahrouch. Il s’attache alors à mieux maîtriser la vielle monocorde ribab qui caractérise la tradition des Rways.
Après quelques années d’exil en Allemagne (1961-1964), il retourne au Maroc pour devenir chanteur professionnel. Dès 1965, il commence à enregistrer des albums. En 1969, un terrible accident de la route le rend paraplégique. Il s’installe alors à Casablanca auprès de la plus importante communauté émigrée chleuh. Composant et chantant en tachelhit, il acquiert une renommée au sein de sa communauté et parmi les auditeurs de la section « dialectale » (qism allahajat) de la radio nationale. Il chante, à côté de thèmes sociaux et affectifs, sa colère de l’attitude méprisante des autorités envers les Amazighs et leur culture.
La contestation a marqué la trajectoire poétique et militante d’Albensir. Il a certes chanté, au début de sa carrière, la gloire de la monarchie et de la nation, mais en vain : l’indifférence des représentants de la « nation » chantée et glorifiée le conduit à prendre conscience de la position dominée et marginale de son métier et, partant, de sa culture amazighe. Devant le mépris opposé à son art, Albensir ne se résigne pas. Il passe à la révolte et exprime dans un langage clair son attachement à sa culture natale.
Selon lui, le pouvoir n’est pas simplement indifférent, il est aussi aliéné puisqu’il ne reconnaît de la chanson que celle exprimée en arabe par des nationaux ou des Égyptiens comme Abdelhalim Hafiz et Abdelawah. Cette attitude ravive chez lui le sentiment douloureux de la marginalité. L’État, chante-t-il, ignore les chanteurs chleuhs dont il se sent le porte-parole. Il ne « nous » réserve, poursuit-il, qu’une mort indigne et silencieuse dans les marges de la cité comme des chiens errants (zun d igh immut uydi gh umedduz). L’humoriste chleuh Abdallah Anidif résume ainsi la place de la culture amazighe dans les média : Tumêz tcelhît gh lidaàa uncek lli tamêz lebcklît gh ccanti (la place qu’occupe tachelhit à la radio est la même que celle d’une bicyclette sur la route).
Loin d’abandonner sa « petite tradition » poétique pour s’intégrer dans la « haute culture » imposée, Albensir est le premier rrays à chanter la langue amazighe. Il déclare ainsi son inscription dans la marginalité :
Rebbi zzayd làezz i tcelhît Nettat as ligh atig innagh sawelgh.
Ô Dieu ! Honore bien ma langue, Avec le chleuh, je suis valorisé, estimé auprès des miens.
Attentif aux mouvements sociaux, les chansons du rrays, en particulier celles qui font allusion à la situation politique, sont parfois à l’origine d’intimidations et persécutions. En 1982, il est emprisonné durant une semaine en raison de sa chanson aggurn (la farine), très critique du gouvernement après « les émeutes du pain » (suite à la terrible sécheresse de 1981). Une autre de ses chansons, sur la mosquée de Hassan II, vilipende sans ménagement le gouvernement et ses pratiques oppressives.
Albensir a enregistré près de 100 cassettes. Il meurt à l’âge de 53 ans à Casablanca, le 11 novembre 1989.
Laksida
Ifoulki lhedid ir dis our imoun zerb
Wana izerben han ora sar as imoun lgherd
Lkiset ikhf ino jlanar aragh ikend
Ragh agdi na red nerli ighuiyi wayad
Magh ilan isagh ihsad lkafer bilah
Mench anjla fouhwach rsous ola cherg
Aylir darengh ila imikatin reljib
Nir walabod adsis zworagh lhiij
Inar ikhasak l3akel ikhasak oslab
Matrit lhij iska gik ila yisid
Awid yaw mobil nerdi tiwit anzfag
Ima lhij ajat arkirak ila relgherd
Nedo sragh omobil fkaren gis yal3adad
Ngasent radyou ola sbart ljedid
Nir zoun nkin or soul ak ili relgherb
Yan aner our isen iragh itemnad
Irizgha omobil izer ijlouba ljdid
Ikaned ayna dikhfens lozir ayad
Ar nskar chiki ir nsoug ar ntel3ab
Namez lbola sawfous rzemghak lbab
Soul neftou s 100 roksar ola relvirage
Lfayda ha lkoudra nrebi hasibab
Ina l3akel righ anmoun ad nzour lblad
Nzoured lwalidayen adagh imoun lgherd
Nfourd agadir aflan relkhmsa nriyid
Namez agharas nihahan ar nezigiz
Orak gitengh ila lkhouf ola jo neksoud
Lkemgh lhenchan ngiz nzer gis lhoujoj
Nzayden aman ilmoutour ayer our iherg
Nagen ola lisanes ilema ar nzigiz
Lfayda sidi lmkhtar chan nelkemkid
Orak gis nebid achko ila gigh zerb
Ragh nezritin okan sir lkemgh lvirage
Slar nit iwmobil zoun ibaka igig
Wisa igenwan aran sir okan itel3ab
Kir yan wasga relkhla ikit ola ribab
Jadar miya hadernd miden kolo moned
Ila kra meskin ar ditengh itemsifid
Imik halabilanes iga zound asemid
Asinard ilma snesbitar aren negiz
Ragh nelkemtin nir nit lhemdo lilah
Ayliraner outen yat tasmi skdounar lbenj
Ibid nit oudebib aragh itemnid
Ireghn iyan ofermli inayasen serbid
Lirtin lkemen arten flagh itnebah
Inays kiyi han lkhdemtenk igat rwad
Sawal sers arigh ifer l3akel tawitend
Izayd ilma ofermli araner itknad
Aranegh isaksa rlkhabar nsous ola cherg
Inayer manik iga litchin isilouh amoud
Yak timitach ortent iherg osmid
Wali kar isaksa faserghaentid
Imik simik ar nsehitir ar nskdoub
Aranegh imala litchin inayi mayad ?
Niras our khelir ayer tmalam aferziz
Lfayda inayasen awiyat rwad iwdbib
Han our soul ili dikhfens ola ar itemnid
Aras nmala litchin inayar aferziz
Asinagh nfour rid nkchem drid
Aylir nelkem dar leftih inayas oudbib
Krfat rifasen tasmas idaren djenb
Adour faken sira smousour ar itiwid
Rzemn flati ilola zond ajedig
Imik simik neg lhbak isoumar lbenj
Isersd ilma lawmas sersend lmoujoud
Araner itazou zond ira tazoun arad
Mra isira iradak gitengh skern lkdid
Walayni rebi youmras igayi sibab
Lhin nken tirziwin asiniyid
Lbit lkhatar nezri gitsent amer yan yiid
Asinard selbit nimoudan ar negi
Nofan gis miden nag 50 ir our ndenb
Ila kra meskin ibiyas odarad ola rwad
Ila kra meskin irza roufous azelmad
Kouyan drikna sas youmer molana atig
Ila kra izeri radyou binas ahboud
Aman douzkif asoukan i3ach ihemd
Lmakla toujad ifat rebi ragh tchad
Walayni meskin alen kasatent itemnid
Kraygan sbah izri flasent oudbib
Wana okan igan idwa ifkasentid
Wana rayafoud lksoutens ard itoujad
As ljama3 lird ilkem douher ha lhbab
Koyan dlfamilansen ikaysend jenb
Ila kra yousid roufousad ola rwad
Ila yiwin mskin adil ola louz
Ila kra mskin our darsen ili ohbib
Ola lfamila man sis itagan ikend
Izaydasen watan lkhouf igin wayad
Ila kra ina albnsir ifta dourad
Ora smousoun adar ola afous ola jenb
Ola arghoum oras ak izdar atizgouz
Ragh lehlib ays akan zond araw waghad
Walayni rikan ijraygh or igi lkdoub
Olah amkak soul ni ris raneghi ribab
Ola ar soul ntidou fwakal ar ntel3ab
Walayni rebi i3fayar lhamdo lilah
Mra okan ofir anbid asoul nzigiz
Nsameh itomobil bragh bacheklit
Ola lmoutour rays neg ragh adar nfejij
AcceuiLRubrique musique
Ce fils de boucher est né en 1937 à Tamsoult, dans le territoire des Ilbensiren (Haut-Atlas occidental). Il a le parcours classique de tout jeune Amazigh du Sud du Maroc (école coranique, randonnées pastorales derrière le cheptel familial) mais il est happé très jeune par le monde de la poésie et de la musique. Il fait preuve dans les cérémonies d’ahwach d’un don poétique exceptionnel. Il tient ainsi tête dans les asays (place villageoise où s’exécute l’ahwach) aux plus grands poètes de sa région. Fort de cette expérience, il rejoint en 1958 les troupes des chanteurs Amentag et Ahrouch. Il s’attache alors à mieux maîtriser la vielle monocorde ribab qui caractérise la tradition des Rways.
Après quelques années d’exil en Allemagne (1961-1964), il retourne au Maroc pour devenir chanteur professionnel. Dès 1965, il commence à enregistrer des albums. En 1969, un terrible accident de la route le rend paraplégique. Il s’installe alors à Casablanca auprès de la plus importante communauté émigrée chleuh. Composant et chantant en tachelhit, il acquiert une renommée au sein de sa communauté et parmi les auditeurs de la section « dialectale » (qism allahajat) de la radio nationale. Il chante, à côté de thèmes sociaux et affectifs, sa colère de l’attitude méprisante des autorités envers les Amazighs et leur culture.
La contestation a marqué la trajectoire poétique et militante d’Albensir. Il a certes chanté, au début de sa carrière, la gloire de la monarchie et de la nation, mais en vain : l’indifférence des représentants de la « nation » chantée et glorifiée le conduit à prendre conscience de la position dominée et marginale de son métier et, partant, de sa culture amazighe. Devant le mépris opposé à son art, Albensir ne se résigne pas. Il passe à la révolte et exprime dans un langage clair son attachement à sa culture natale.
Selon lui, le pouvoir n’est pas simplement indifférent, il est aussi aliéné puisqu’il ne reconnaît de la chanson que celle exprimée en arabe par des nationaux ou des Égyptiens comme Abdelhalim Hafiz et Abdelawah. Cette attitude ravive chez lui le sentiment douloureux de la marginalité. L’État, chante-t-il, ignore les chanteurs chleuhs dont il se sent le porte-parole. Il ne « nous » réserve, poursuit-il, qu’une mort indigne et silencieuse dans les marges de la cité comme des chiens errants (zun d igh immut uydi gh umedduz). L’humoriste chleuh Abdallah Anidif résume ainsi la place de la culture amazighe dans les média : Tumêz tcelhît gh lidaàa uncek lli tamêz lebcklît gh ccanti (la place qu’occupe tachelhit à la radio est la même que celle d’une bicyclette sur la route).
Loin d’abandonner sa « petite tradition » poétique pour s’intégrer dans la « haute culture » imposée, Albensir est le premier rrays à chanter la langue amazighe. Il déclare ainsi son inscription dans la marginalité :
Rebbi zzayd làezz i tcelhît Nettat as ligh atig innagh sawelgh.
Ô Dieu ! Honore bien ma langue, Avec le chleuh, je suis valorisé, estimé auprès des miens.
Attentif aux mouvements sociaux, les chansons du rrays, en particulier celles qui font allusion à la situation politique, sont parfois à l’origine d’intimidations et persécutions. En 1982, il est emprisonné durant une semaine en raison de sa chanson aggurn (la farine), très critique du gouvernement après « les émeutes du pain » (suite à la terrible sécheresse de 1981). Une autre de ses chansons, sur la mosquée de Hassan II, vilipende sans ménagement le gouvernement et ses pratiques oppressives.
Albensir a enregistré près de 100 cassettes. Il meurt à l’âge de 53 ans à Casablanca, le 11 novembre 1989.
Laksida
Ifoulki lhedid ir dis our imoun zerb
Wana izerben han ora sar as imoun lgherd
Lkiset ikhf ino jlanar aragh ikend
Ragh agdi na red nerli ighuiyi wayad
Magh ilan isagh ihsad lkafer bilah
Mench anjla fouhwach rsous ola cherg
Aylir darengh ila imikatin reljib
Nir walabod adsis zworagh lhiij
Inar ikhasak l3akel ikhasak oslab
Matrit lhij iska gik ila yisid
Awid yaw mobil nerdi tiwit anzfag
Ima lhij ajat arkirak ila relgherd
Nedo sragh omobil fkaren gis yal3adad
Ngasent radyou ola sbart ljedid
Nir zoun nkin or soul ak ili relgherb
Yan aner our isen iragh itemnad
Irizgha omobil izer ijlouba ljdid
Ikaned ayna dikhfens lozir ayad
Ar nskar chiki ir nsoug ar ntel3ab
Namez lbola sawfous rzemghak lbab
Soul neftou s 100 roksar ola relvirage
Lfayda ha lkoudra nrebi hasibab
Ina l3akel righ anmoun ad nzour lblad
Nzoured lwalidayen adagh imoun lgherd
Nfourd agadir aflan relkhmsa nriyid
Namez agharas nihahan ar nezigiz
Orak gitengh ila lkhouf ola jo neksoud
Lkemgh lhenchan ngiz nzer gis lhoujoj
Nzayden aman ilmoutour ayer our iherg
Nagen ola lisanes ilema ar nzigiz
Lfayda sidi lmkhtar chan nelkemkid
Orak gis nebid achko ila gigh zerb
Ragh nezritin okan sir lkemgh lvirage
Slar nit iwmobil zoun ibaka igig
Wisa igenwan aran sir okan itel3ab
Kir yan wasga relkhla ikit ola ribab
Jadar miya hadernd miden kolo moned
Ila kra meskin ar ditengh itemsifid
Imik halabilanes iga zound asemid
Asinard ilma snesbitar aren negiz
Ragh nelkemtin nir nit lhemdo lilah
Ayliraner outen yat tasmi skdounar lbenj
Ibid nit oudebib aragh itemnid
Ireghn iyan ofermli inayasen serbid
Lirtin lkemen arten flagh itnebah
Inays kiyi han lkhdemtenk igat rwad
Sawal sers arigh ifer l3akel tawitend
Izayd ilma ofermli araner itknad
Aranegh isaksa rlkhabar nsous ola cherg
Inayer manik iga litchin isilouh amoud
Yak timitach ortent iherg osmid
Wali kar isaksa faserghaentid
Imik simik ar nsehitir ar nskdoub
Aranegh imala litchin inayi mayad ?
Niras our khelir ayer tmalam aferziz
Lfayda inayasen awiyat rwad iwdbib
Han our soul ili dikhfens ola ar itemnid
Aras nmala litchin inayar aferziz
Asinagh nfour rid nkchem drid
Aylir nelkem dar leftih inayas oudbib
Krfat rifasen tasmas idaren djenb
Adour faken sira smousour ar itiwid
Rzemn flati ilola zond ajedig
Imik simik neg lhbak isoumar lbenj
Isersd ilma lawmas sersend lmoujoud
Araner itazou zond ira tazoun arad
Mra isira iradak gitengh skern lkdid
Walayni rebi youmras igayi sibab
Lhin nken tirziwin asiniyid
Lbit lkhatar nezri gitsent amer yan yiid
Asinard selbit nimoudan ar negi
Nofan gis miden nag 50 ir our ndenb
Ila kra meskin ibiyas odarad ola rwad
Ila kra meskin irza roufous azelmad
Kouyan drikna sas youmer molana atig
Ila kra izeri radyou binas ahboud
Aman douzkif asoukan i3ach ihemd
Lmakla toujad ifat rebi ragh tchad
Walayni meskin alen kasatent itemnid
Kraygan sbah izri flasent oudbib
Wana okan igan idwa ifkasentid
Wana rayafoud lksoutens ard itoujad
As ljama3 lird ilkem douher ha lhbab
Koyan dlfamilansen ikaysend jenb
Ila kra yousid roufousad ola rwad
Ila yiwin mskin adil ola louz
Ila kra mskin our darsen ili ohbib
Ola lfamila man sis itagan ikend
Izaydasen watan lkhouf igin wayad
Ila kra ina albnsir ifta dourad
Ora smousoun adar ola afous ola jenb
Ola arghoum oras ak izdar atizgouz
Ragh lehlib ays akan zond araw waghad
Walayni rikan ijraygh or igi lkdoub
Olah amkak soul ni ris raneghi ribab
Ola ar soul ntidou fwakal ar ntel3ab
Walayni rebi i3fayar lhamdo lilah
Mra okan ofir anbid asoul nzigiz
Nsameh itomobil bragh bacheklit
Ola lmoutour rays neg ragh adar nfejij
AcceuiLRubrique musique